Le financement du Centre National de la Musique ne peut être la pomme de discorde d’une filière qu’il est censé rassembler
Le financement du Centre National de la Musique (CNM) et la politique culturelle en matière de musique est une question essentielle qui doit reposer sur une objectivation de la réalité économique du secteur et de ses besoins. Alors que le Président de la République a annoncé une grande concertation de la filière musicale, la contribution et le fragile équilibre économique du streaming musical porté par des entreprises indépendantes européennes et françaises comme Deezer, Spotify et Qobuz doivent être au centre des discussions.
Une filière musicale portée par le streaming
Comme le constate le Sénateur Bargeton dans son rapport sur le financement de la filière musicale “la croissance continue de la musique enregistrée [est] portée par le streaming depuis 2014”. De même, jamais le marché français n’a permis à autant de jeunes artistes d’émerger :“17 albums du TOP20 sont des productions françaises, 32 premiers albums se sont classés au TOP200, dont 26 productions françaises» (SNEP 2023). Le téléchargement illégal a ainsi été enrayé grâce au développement du streaming.
Les principaux acteurs de ce renouveau sont les plateformes de streaming musical indépendantes comme Deezer, Spotify ou Qobuz. Ce sont les premiers contributeurs économiques au marché de la musique enregistrée avec 73 % du chiffre d’affaires de la production phonographique en 2022 et 70% de leurs revenus reversés aux nombreux ayants droit. Nous sommes fiers de contribuer largement au financement de la création musicale et donc au développement de l’ensemble de la filière en France.
Face aux GAFA, le streaming est un enjeu de souveraineté et de rayonnement culturel
Le streaming musical est aujourd’hui le seul secteur du numérique où l’Europe et la France disposent de leaders mondiaux, en capacité de concurrencer les GAFA. Mais cette compétition a un prix: nos services ne sont pas encore rentables en raison des investissements significatifs que nous devons réaliser pour concurrencer Apple, Google, ou TikTok
Plutôt que de soutenir ces fers de lance de la souveraineté économique et culturelle française et européenne, certaines organisations professionnelles de la filière et le rapport Bargeton appellent à la création d’une taxe sur nos services pour financer le CNM
Cette taxe s'apparenterait à un nouvel impôt de production, reposant sur des acteurs européens et français indépendants dont l'activité n'est pas encore rentable. A l’heure où la filière musicale française ne s’est jamais aussi bien portée, cette proposition vient prendre le risque de briser cette dynamique vertueuse et de modifier cet équilibre précaire.
Taxer le streaming audio serait inéquitable
Cette nouvelle taxe viendrait corriger une prétendue iniquité de financement du CNM. De quelle équité parle-t-on lorsque le rapport propose que le spectacle vivant contribue à hauteur de 7,25 %, et la musique enregistrée à hauteur de 21,75 % aux finances publiques et au CNM?
Les comparaisons entre les financements du CNM et du CNC sont tronquées. Le financement du CNC met à contribution la totalité des acteurs de l’audiovisuel et du cinéma alors que cette nouvelle taxe vise uniquement le streaming musical. Comment peut-on penser qu’une plateforme de streaming audio qui propose l’intégralité du catalogue musical mondial, reverse 70 % de ses revenus aux ayants droit soit comparable à une plateforme de streaming vidéo rentable qui propose des contenus exclusifs sans reversement proportionnel à l’ensemble de la chaîne de valeur?
Alors que la France accuse un retard dans l’adoption du streaming musical, nous appelons l’ensemble de la filière à trouver un modèle de financement équitable du CNM qui ne mette pas en péril l’économie des services de streaming musicaux indépendants européens et français et ne creuse pas la concurrence avec les GAFA au détriment de l’ensemble de l’industrie et la création musicale française.